"Campus" de Curtis Sittenfeld ou le goût amer de l'adolescence

Publié le par Catpower

http://www.mollat.com/cache/Couvertures/9782266181617.jpgRécemment, j'ai acheté ce bouquin pour me distraire : Campus de Curtis Sittenfeld. Je n'ai pas regretté ! Je l'ai aimé, ce roman au goût amer de l'adolescence.

Je pensais tomber sur un de ces romans d'apprentissage pleins d'ironie cruelle comme Moi, Charlotte Simmons de Tom Wolfe. Je ne me suis pas trompée. Le récit est bien tissé à partir de ces mêmes ficelles, que le lecteur dénoue avec délectation : l'auteur projette son personnage dans un univers dont il est étranger et où il risque sa peau, s'il n'en apprend pas rapidement les codes. Ainsi Lee Fiora, 14 ans, fille d'un vendeur de matelas dans l'Indianna, se retrouve-t-elle boursière à Ault, pensionnat privé où le gratin new-yorkais envoie ses progénitures pour préparer Harvard au prix fort, à des milliers de kilomètres de sa famille, du lycée public où elle aurait dû suivre sa scolarité. A l'instar d'une Charlotte Simmons, débarquant de sa Caroline du Nord dans une grande université américaine...

Mais Campus est bien plus que cela. Et Lee Fiora n'est pas Charlotte Simmons, étudiante jolie et brillante, mais un peu cruche. Loin de la petite oie blanche, qui se fait plumer sauvagement à la fin du récit, le personnage de Curtis Sittenfeld gagne peu à peu en profondeur, au-delà de la caricature sociale dépeinte par Tom Wolfe. Délaissant la voix d'un narrateur objectif, omniscient et tout puissant, l'auteur de Campus lui préfère le "je" individuel et personnel. Ainsi, elle peint par touches successives, sur une période de 4 ans, Lee, qui se scrute en train de grandir, riche d'une vie intérieure alimentée par ses complexes, ses problèmes scolaires et sentimentaux, le rejet de sa famille, la perte de ses repères...

Lee qui se sent laide, dénuée de talent et d'intérêt... Lee qui observe dans l'ombre avec passion la vie de la communauté : les relations amoureuses, les jeux de pouvoir, les rapports d'argent... Lee qui croit pouvoir regarder sans être vue, recevoir sans donner, sans participer à son tour... Lee qui, victime de sa subjectivité comme on peut l'être à l'adoscence, en quête de son identité, finit par se retrouver sur le devant de la scène, confrontée à l'altérité - malgré ou grâce à elle-même ? -, cette altérité, celle des autres, bien sûr, mais aussi la sienne propre, qui rend apte à prendre du recul et à devenir adulte.

Un passage unique dans la vie, que Curtis Sittenfeld a su capter avec brio et tendresse. Avec une certaine nostalgie, aussi.
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A
<br /> Moi aussi, j'ai beaucoup aimé ce livre ! Savez-vous si l'auteur en a écrit d'autres ? Bonne journée !<br /> <br /> <br />
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